Marie-Annik et Edward; Cloîtrés

Marie-Annik avait été suivie de près jusqu'à sa chambre, où elle prit plusieurs de ses effets et énormément de vêtements! Plusieurs effets pour peinturer ou dessiner aussi. Tout cela avait été rapidement fourré dans deux énormes valises, dont une qui se fit transporter par le surveillant et l'autre fût elle qui la traîna avec peine. Au moins, les roulettes en dessous facilitaient beaucoup la tâche pour la faible adolescente!

Elle savait exactement où se rendre; même si le surveillant n'avait pas été devant elle d'un pas, elle aurait été capable de se retrouver très facilement puisqu'elle avait vu où serait situé sa nouvelle chambre, pour encore un moment. Ne défaisant rien, elle lança le tout dans l'énorme garde-robe, au fond de la pièce trop claire pour elle. Elle aurait dû apporter ses rideaux... Ce qu'elle demanda au surveillant de faire pour elle puisqu'elle n'avait plus le droit de sortir. La porte se verrouilla derrière elle, la laissant seule dans la chambre grise et terne; les draps de lits étaient gris, les murs étaient gris, le tapis était gris -oui, c'était du tapis!-, les tuiles de la salle de bain étaient grises... TOUT était gris! Terne! Juste comme elle l'avait vu... Elle se rue vers la salle de bain, sachant très bien qu'elle ne pourrait pas l'atteindre, ma frappe tout de même en direction du miroir, enragée. Une plaque de plexiglass recouvre la totalité du miroir donc rien ne brise... Peut-être seulement une jointure de sa main gauche, sans plus.

Sachant qu'elle ne serait pas seule bien longtemps, elle mit son poing saignant sous l'eau froide, gémissant de douleur, s'effondrant au sol, fatiguée, l'eau ruisselant le long de son bras.

Suite aux explications de la directrice, Edward avait compris qu'il n'avait pas le choix. En fait, on lui laissait toujours le choix: s'il n'aimait pas une option proposée, il créait un choix. Pourtant, dans cette situation, il était sûrement plus sage de ne pas résister et de faire ce qu'on lui disait de faire: comme Stefany l'avait expliqué, ce n'était pas une si mauvaise punition. Enfermé dans une chambre sonnait mieux qu'un cours de maths.

Le retour à sa chambre fut des plus pénibles. Les surveillants interrogeaient déjà son compagnon de chambre devant la porte de celle-ci et Edward fut obligé de passer près de lui pour aller chercher ses affaires. Il en ressortait quelques minutes plus tard avec une seule valise, sans regarder le jeune blond, complètement enragé, qui lui hurlait des insultes. Un profond sentiment de découragement l'envahissait et il se demandait sérieusement dans quoi il s'était lancé. ''C'est sûrement pour le mieux de tout le monde'' pensa-t-il. ''L'autre cave va sûrement partir de l'école, j'vais pouvoir prendre un break de mes cours... c'est pas une si mauvaise chose. Y faut juste savoir comment vivre avec.''

En chemin vers les chambres d'isolement, il se fit aborder par l'homme qui était censé l'escorter jusqu'à sa chambre. Un homme plus grand que lui, plutôt en forme, qui aurait pu être pris pour un garde de sécurité ou un professeur d'éducation physique s'il n'avait pas porté de lunettes et de complet-cravate. ''Suis-moi'' lui dit-il sans rien ajouter. Après quelques minutes de marche silencieuse, l'homme parla de nouveau. ''Tu verras, ce n'est pas si mal'' dit-il à Edward d'un ton rassurant. ''Je supervise beaucoup de gens qui vont dans ces chambres-là et la plupart s'en portent beaucoup mieux à leur sortie.''

Le jeune homme laissa toutefois le silence perdurer et avança jusqu'à la porte de la chambre. Le couloir était gris, évidemment. Ce fut quand ils approchèrent de leur destination qu'un bruit sourd se fit entendre. Marcus fit signe à Edward d'attendre un instant et entra dans la chambre de Marie-Annik. ''Tout va bien?'' demanda le professeur en approchant prudemment de la salle de bain.

Marie-Annik savait très bien qu'on s'approchait; elle entendait leurs pensées. Lorsque l'homme entra dans la chambre, la jeune adolescente claqua la porte de son pied et appuya sur la poignée pour enclencher le verrou. On secoua la poignée et demanda poliment de l'ouvrir... Marie-Annik n'obtempéra point. Sachant très bien qu'on pouvait déverrouiller la porte, elle laissa son pied contre la poignée, la rendant impossible à déverrouiller sauf si on forçait sa poigne.

"Laissez-moi tranquille! Déjà que je devrai vivre avec quelqu'un qui me déteste sûrement en ce moment, vous pouvez au moins me laisser la paix dans cette foutue toilette!"

L'homme qui secouait la poignée doucement -c'était assez fort pour une personne normale puisque cet homme en complet avait la taille d'un athlète!- arrêta et soupira, ayant déjà eu affaire avec l'adolescente.

"Mademoiselle Foster, vous pourriez au moins suivre les procédures... S'il vous plaît sortez de cette chambre pour accueillir votre nouveau colocataire sinon je devrai faire comme la dernière fois ce qui me plaît autant que vous."

Ne comprenant pas du tout de quoi l'homme parlait, Edward se décida toutefois à intervenir. Il ne savait pas que Marie-Annik pouvait lire ses pensées à travers une porte, mais l'espéra tout de même en criant, pour que le son passe à travers la porte :

''Arrête tes conneries, Marie! Tu sais que je te déteste pas! On est deux là-dedans alors essaye au moins de te tenir debout, parce que si on est pas deux à le faire, j'pars du pensionnat.''

L'homme aux lunettes regarda l'élève d'un air qui semblait dire ''ça m'étonnerait'', mais il l'ignora et espéra que la jeune fille comprenne.

Marie-Annik se retourna et retira sa main glacée du lavabo pour ensuite éteindre le robinet. Elle s'essuya d'une serviette grise et resta assise au sol froid, dos à l'homme en complet, soupirant. Quant à ce dernier, l'homme costaud ouvrit la porte au complet et se retourna pour faire signe à Edward d'entrer pendant que Marie-Annik parla.

"On est présentés, on peut avoir la paix maintenant?"

Sachant qu'il resterait, elle s'était quand même exclamée pour qu'Edward puisse comprendre qu'ils étaient pris dans cette histoire ensemble et aussi pour le faire entrer dans la chambre s'Installer. Marie-Annik ne voulait aucun malaise et encore moins se mettre quelqu'un de plus à dos!

Edward entra sans dire un mot de plus, ne voulant pas en rajouter. Il regarda Marie-Annik, pour au moins lui échanger un regard et lui faire comprendre qu'il était d'accord avec ce qu'elle venait de dire. L'homme au bel habit ne sembla pas remarquer cette complicité silencieuse et ferma la porte derrière lui et le jeune homme. Ils étaient maintenant tous trois dans la chambre. L'homme se racla la gorge sans trop de bruit, puis demanda :

''Vous êtes au courant des conditions de votre punition? Comme vous le savez, notre but est de vous isoler, non pas de faire de votre vie un enfer. La reclusion devrait vous aider à réfléchir un moment aux actes que...''

Edward l'interrompit. ''J'ai pas besoin de réfléchir, je sais c'que j'ai fait.'' L'homme aux lunettes tourna lentement la tête vers lui, un peu surpris. Étonnamment, il se mit alors à sourire au jeune homme : un véritable sourire, sans sarcasme, plein de bonté. ''Vous n'avez pas compris'' dit-il. ''J'ai parlé de réflexion, que vous devez tout deux exercer. Vous devez réfléchir, ensemble, à ce que vous avec fait et comptez faire. Le silence et l'isolement devraient faciliter la tâche à mademoiselle Foster.'' Il eut un autre sourire, puis expliqua qu'il était dans le supposé ''cercle de confiance'' de la directrice. ''Je suis au courant de votre petit secret depuis qu'on m'a assigné vos deux cas. Au fait, je me présente. Vous pouvez m'appeler Marcus, je suis professeur, mais je m'occupe de quelques mesures disciplinaires de ce genre-ci.''

Edward n'eut aucune réaction. Il regarda Marie-Annik du coin de l'œil, pour voir comment elle réagirait devant ce professeur un peu particulier.

Marie-Annik restait étendue au sol de la salle de bain sans ajouter un mot. Par contre, quand l'homme dit qu'il était au courant de son pouvoir, lui aussi, elle roula des yeux et marmonna un "bientôt, l'école entière le saura..." le reste fût incompréhensible puisqu'elle se mit plus à bougonner qu'autre chose. Ne se retournant même pas pour saluer aucun des deux, elle parla de vive voix, cette fois-ci, pour être bien comprise.

"D'accord. Réfléchir. J'sais c'est quoi, ma punition. On peut me laisser réfléchir en paix maintenant? Le silence, comme tu le sais très bien maintenant que tu connais mon secret le plus important à mes yeux... Même si je n'aurai pas complètement le silence...

Sa dernière remarque n'était pas visée à blesser Edward, mais plutôt à faire réagir Marcus, ce qu'elle savait qui était sûrement inutile. Se levant, laissant son piètre habit de pantalons très courts bleu marin et une camisole de la même couleur, laissant voir le bas de son ventre, démontrer encore une fois sa maigreur, elle plongea son regard dans celui du surveillant. Il lui sourit gentiment tandis qu'elle resta là, devant lui, habillée comme si elle allait se coucher.

"Vous savez, Mademoiselle Foster, que cet habit n'est pas permis dans l'enceinte de l'école. Je vous prierais donc de changer de tenue, s'il vous plaît. Après, je vais vous laisser à votre nouvelle vie.

Marie-Annik le toisa alors du regard. C'était comme s'il venait de la gifler en plein visage, ce qu'il ne venait absolument pas de faire! Même si sa joue était parfaitement blême, la maigre adolescente s'avança d'un pas pour se planter juste devant l'homme qui sembla alors un peu mal à l'aise par la proximité de la jeune fille, pour seulement un court moment.

"Si on m'enferme ici et qu'on m'empêche de me vêtir comme je veux, dans un endroit où personne va me voir sauf mon coloc forcé, je crois que c'est empiéter sur ma façon de penser, de vivre et de me comporter, qu'est-ce que vous en penser, Monsieur Marcus? Je crois que j'ai au moins le droit de me vêtir comme bon il me semble, non, je suis dans ma nouvelle chambre -ou prison- et je vais donc laisser libre cours à mes pensées, comme vous le souhaitiez."

Marcus fixa Marie-Annik droit dans les yeux, ne se laissant pas impressionner par son attitude de rebelle. Il avait vu des révoltés bien pires qu'une petite adolescente comme elle. ''Vous m'excuserez, mais je continue de penser que pour atteindre l'objectif que la directrice vous a fixé, vous aurez besoin d'un peu discipline. Ça va aussi du côté vestimentaire, mais bon... dès que je quitterai cette pièce, vous n'aurez qu'à vous changer, alors c'est inutile que je vous force à faire quoi que ce soit, n'est-ce pas?''

Gardant son sourire, Marcus se mit à reculer en direction de la porte et regarda Edward et Marie-Annik pendant quelques instants. ''Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-moi signe. Il y a un interphone ici.'' Pointant l'interphone installé au mur, il se retira ensuite en fermant la porte et en laissant les deux jeunes seuls. Edward regarda sa nouvelle compagne de prison et se retourna sans un mot, allant s'étendre sur son lit. Il laissa quelques secondes de silence s'écouler avant d'ajouter :

''Et maintenant, on fait quoi?''

Marie-Annik le regarda partir avec un air bête parfaitement fixé à son visage. Par la suite, elle massa sa main endolorie tandis qu'elle se lança sur son lit. Comme épuisée par la rencontre, elle enfouit son visage dans l'oreiller en soupirant, se disant que ces prochains jours allaient être pénibles! Lorsqu'Edward lui adressa la parole, elle enleva son visage de son oreiller pour le regarder.

"Normalement, on peut pas faire grand choses. C'est la deuxième fois que je ne suis pas seule dans une situation comme on vit... C'est pas super, en fait. On n'a rien à faire sauf ce qu'on fait déjà."

Sur ce, elle fouilla dans une des poches de ses pantalons courts et en sortit un paquet de cigarettes, en tendit une à son colocataire. Elle alluma ensuite la sienne et prit une grande bouffée, ce qui sembla la soulager. Elle sourit, heureuse que la fumée nocive entre dans ses poumons et se recoucha, ne prenant même pas la peine d'aérer l'endroit. On cogna ensuite à la porte; c'était le garde de sécurité qui revenait avec les rideaux qu'elle prit sans ajouter un mot et claquer la porte au visage du garde avant que celui-ci puisse même lui toucher! Marie-Annik installa les rideaux, assombrissant énormément la salle, ce qui la rendit encore plus de meilleure humeur.