La Suspension de Marie-Annik

Marie-Annik se retenait de pleurer lorsque Marcello ouvrit la porte et qu'elle ait aperçut son regard triste. Elle se tenait le ventre et avait toujours la tête qui tournait. Trop têtue pour parler de son vraie problème à l'artiste, elle sursauta de bonheur et de malheur en même temps en entendant la voix d'Edward. Un faible sourire se dessina sur ses traits lorsque le jeune homme fit son irruption dans la pièce en commentant l'attitude de Marcello. Lorsque le grand adolescent leur fit part d'une bande de filles qui parlaient d'elle, son faible sourire disparut instantanément... Mais pas ses yeux humides. Marie-Annik détourna le regard et essaya de reprendre ses mains pour elle, mais n'en avait pas la force. Quand l'adolescente essaya de se relever, sa tête se mit à tourner deux fois plus et, volant d'un coup de main rapide les papiers toilettes des mains de Marcello, son coeur remonta aussi à ses lèvres. Se jetant une fois de plus à genoux, un autre élan de douleur survint dans ceux-ci, Marie-Annik se remit à régurgiter de la bile pour ensuite retomber sur le côté, tremblant autant de faiblesse que de froid. On voyait très bien -trop bien- ses os essayer de percer sa peau.

"L... Laissez-moi... Laissez-moi tranquille!"

Sa voix était à peine audible, son ton était déchiré par le manque de force et la douleur. Les points noirs devant ses yeux l'obligèrent à fermer les yeux, son état empirant à chaque instant. Son anorexie allait trop loin... Son ventre grondait et la faisait souffrir horriblement. Même ses longs cheveux paraissaient devenir tout petits à côté de son corps frêle!

Devant tout ce malaise que la jeune fille éprouvait, Marcello pouvait difficilement se contenir. Son état de crise l'avait complètement transformé et, si normalement il aurait sûrement géré la situation avec un calme presque indifférent, il ressemblait à un enfant apeuré. En le voyant presque reculer devant Marie-Annik, Edward comprit assez vite qu'il devait prendre la situation en main. S'approchant de la jeune fille malade, il comptait ignorer sa demande et l'aider à se rendre à une toilette pour vomir. Par contre, son geste fut coupé par des bruits venant du corridor. La bande de filles était revenue et on les entendait déjà glousser dans le couloir.

''J'vous le dit, y'a un autre garçon qui vient d'entrer!''

Le jeune homme fit signe à Marcello de fermer la porte et de la verrouiller, mais celui-ci ne fut pas assez rapide et s'écarta prudemment quand les jeunes filles entrèrent dans les toilettes. Elle jetèrent des regards furtifs dans la pièce, hésitant entre Edward et Marie-Annik, ne sachant pas si elles devaient se surprendre du malaise de l'étudiante ou de l'infraction du garçon.

- Regarde l'anorexique qui vomit encore! cria d'abord l'une d'elles. C'est à cause d'elle que ça sent toujours le vomi ici!
- C'est tellement chou, son chum l'aide à nettoyer! Ça te dégoûte pas, toi, qu'on voit ses os à travers sa peau?

Marie-Annik sentit qu'Edward fulminait et elle n'eut même pas besoin de recourir à ses pouvoirs pour le savoir. L'étudiant était sur le point de les expulser de la pièce à grands coups de pied aux fesses et elle entendit déjà les insultes qu'il leur réservait. Étonnament, l'artiste fut le premier à réagir, envoyant son insulte la plus cinglante aux jeunes filles.

-Espèces de... de... de... de pies! dit-il avec plus d'insistance que la dernière fois. L'insulte fut accueillie par des éclats de rire.

-Espèces de... de grosses pies!

-Grosses? répliqua une des jeunes filles en gloussant toujours. À force de te tenir avec des anorexiques, tu finis par voir des grosses partout? Tu vas te mettre à vomir par terre pour maigrir?

Complètement pris au dépourvu par la réplique, n'ayant aucune habitude des disputes, Marcello resta sans voix. Edward prit la relève.

-C'est sûr qu'à te voir la face, on a tous envie de vomir...

Indignée, la jeune fille s'approcha d'Edward d'un pas rapide, sûrement pour le remettre à sa place. Toutefois, ses pas trop précipités et ses talons hauts la firent glisser dans une flaque de vomi, dans laquelle elle s'étala de tout son long. Edward se mit à rire aux éclats, Marcello eut un rire étouffé, tout comme les autres jeunes filles. Celle qui baignait dans la bile elle, ne voyait rien de drôle et tentait de se relever avec peine.

Marie-Annik était si faible qu'elle n'entendait presque rien et ne sentait presque rien. Entourée d'une brume rassurante, elle se concentrait pour garder conscience, certaine que ces adolescentes allaient leur causer des problèmes. La jeune télépathe voulait répondre aux insultes, mais en était incapable. Au moins elle ne pataugeait pas dans son propre vomis! Elle eût quand même un faible sourire devant la tentative de Marcello à les faire taire et aussi lorsqu'Edward répliqua. La faible adolescente pût même rire lorsque la fille qui s'était fait insulter tomba dans son vomis! Malheureusement pour Marie-Annik, la garce était tombée juste à ses côtés et elle lui envoya un coup de coude dans les côtes en se débattant -sûrement aussi par rage contre elle- ce qui fit perdre le souffle à l'adolescente élancée.

Son souffle fût coupé... Et ne revint pas. Il y avait trop de gens dans la pièce, trop de gens pour que ça tête, dans le piètre état qu'elle était, puisse tout gérer. Un espèce de son rauque et dégoûtant sortit de la bouche grande ouverte de Marie-Annik ainsi que du sang commença à s'écouler de son nez. Edward pouvait remarquer là des signes des mêmes crises qu'elle avait eu lorsqu'ils se sont rencontrés... Quant à la fille qui pataugeait dans le vomis, elle se releva et s'éloigna en regardant Marie-Annik de travers.

"V'nez vous en, les filles, on s'en va! J'veux pas avoir affaire avec l'anorexique en panique! J'veux pas avoir de problèmes avec ce qui se passe non plus!"

Les amies de la fille qui s'était exprimée hochèrent la tête et sortirent tous rapidement de la toilette, sûrement vers leur chambre pour qu'elles puissent se changer et parler en toute discrétion.

Voyant Marie-Annik se plier en deux suite au coup de pied, Edward voulut prendre la fille par les pieds et l'étaler dans le vomi plus qu'elle ne l'était déjà. Par contre, il n'accorda même pas un regard ou un mot aux filles lorsqu'elles quittèrent, bien trop préoccupé par les saignements de son amie. Il poussa un juron, dirigé autant vers la fille qui avait donné le coup que vers la situation, et fit signe à Marcello de venir l'aider en faisant bien attention au vomi.

-Où est-ce que... tu vas l'emmener? demanda l'artiste, incertain.
-On peut pas la ramener à sa chambre, répondit Edward. La dernière fois que j'suis entré là pour l'aider, j'ai failli me faire prendre. Si j'y retourne, j'risque l'expulsion.
-Ça tombe bien... elle ne peut pas y retourner non plus.
-Ah? Anyway, on s'en fout. On va l'amener dans ma chambre. J'ai tout ce qu'y faut pour qu'elle aille mieux.

Marcello regarda la jeune fille, puis son ami, incrédule. Edward, lui regarda Marie-Annik pour voir quelle était sa réaction. Si elle était d'accord avec son plan, il l'y mènerait au plus vite. Il fit signe à l'artiste de lui donner d'autres mouchoirs, avec lesquels il essuya le visage ensanglanté de la jeune fille.

[-Ah? Anyway, on s'en fout. On va l'amener dans ma chambre. J'ai tout ce qu'y faut pour qu'elle aille mieux. PÉDOOOOOO!!! XD ]

Marie-Annik hocha difficilement la tête pour faire signe à Edward que... Non, elle ne voulait pas! Elle s'enveloppa de ses bras et restait au sol à essayer de reprendre son souffle, quelques larmes coulant le bord de son visage, se mêlant à son sang. Trop têtue, elle ne voulait pas qu'on la bouge de là, elle voulait rester étendue là et ne voulais surtout pas manger... Même si elle savait que sa vie en dépendait! La télépathe continuait à secouer sa tête de gauche à droite, de plus en plus faiblement tandis que le sang continuait à couler à flots. Dans sa tête, les pensées des deux jeunes hommes étaient des cris... Surtout ceux affolées de Marcello.

"P... Partez! En allez-vous en!"

C'était plus parlé d'une voix forte qu'un cri, mais l'intention était là; Marie-Annik n'allait pas bien du tout et les pensées la rendaient folle! Elle s'agrippa les cheveux comme la première fois qu'Edward l'avait vu et se mit à gémir faiblement tandis qu'elle se battait contre ses poumons pour retrouver de l'air...

Edward comprit alors de quoi il s'agissait. Il n'était pas seulement question de douleur physique et il se rappela de ce qu'elle lui avait confié, juste avant qu'ils ne se retrouvent dans le bureau de la direction. Il se tourna vers le jeune artiste d'un coup sec.

''Toi, arrête de paniquer!'' cria-t-il. ''Pense à un truc relaxant, une chanson, ou sors d'ici tout de suite!''

Il s'efforça ensuite de faire le même exercice et se mit à penser à de la musique relaxante pour calmer ses pensées. Ça ne pouvait qu'aider Marie-Annik. Par contre, la seule chose à laquelle il fut capable de penser fut un morceau de musique classique, auquel il avait presque honte de penser. Marcello, lui, tenta de calmer sa respiration du mieux qu'il pouvait et se mit à penser à quelque chose de relaxant. Une plage, avec le bruit des vagues et du vent. Une fois que les deux jeunes hommes furent calmés autant que possible, Edward demanda à Marie-Annik ce qu'elle voulait qu'il fasse.

''J'peux pas te laisser ici dans l'état que t'es'' lui expliqua-t-il. ''Demande-moi de t'emmener n'importe où, mais pas de te laisser ici.''

Marie-Annik respirait très bruyamment et était sur le point de sombrer dans l'inconscience. Par contre, les pensées relaxantes firent leur effet. Comme si elle ne voyait ni entendait plus rien que leurs pensées, la télépathe se mit à gémir doucement, soulagée de ne plus avoir si mal. Le sang coulait toujours de son nez, sa tête faisait toujours un peu mal ainsi qu'elle tournait et son estomac criait toujours famine, mais un sourire paisible se dessina sur ses traits. Par contre, lorsqu'Edward lui demanda où elle voulait aller, elle ne savait plus que répondre. Se recroquevillant contre elle-même, l'adolescente ferma son esprit du mieux qu'elle le pouvait pour ne plus rien entendre... Même si cela ne fonctionnait guère. Après un moment de silence, elle parla, toujours en boule, ce qui fit qu'on l'entendant comme si elle parlait d'une autre pièce ou dans un coussin...

"J'veux pas... J'veux pas retourner... Pas dans ma chambre... Pas à l'infirmerie... Pas d'où je viens..."

Elle sanglota en même temps de prononcer ses paroles, impossible de s'arrêter elle-même. Pourtant, elle semblait être une petite fille qui venait de se perdre et ne voulait pas rentrer chez elle parce que des reproches l'attendait.

Edward lui répondit presque aussitôt que sa chambre était justement un des endroits les plus sûrs où elle pourrait se reposer, mais Marcello le corrigea. ''Je ne pense pas'' dit-il d'un ton inquiet. ''L'homme qui surveille sa chambre va se mettre à sa recherche si elle ne revient pas, ça ne fera qu'empirer les choses. On se demandera où elle était passée, elle aura des ennuis.'' L'autre jeune homme n'aimait pas tellement l'attitude défaitiste de Marcello, mais devait admettre qu'il avait raison. Il remarqua aussi son changement d'attitude: il n'était plus un garçon perdu dans ses pensées, indifférent, calme, bien au contraire. Il semblait prêt à céder à la panique, mais continuait heureusement de penser à la plage. Edward hocha lentement la tête et se retourna vers Marie-Annik.

''J'comprends que tu veuilles pas y retourner, mais c'est sûrement mieux que le plancher des toilettes'' dit-il. ''Si t'as un plan pour pas que ton surveillant se mette à te chercher, ça me dérange pas du tout de t'héberger dans ma chambre. Mon coloc' vient jamais, t'auras un lit pour toi et j'ai des médicaments pour la douleur et le sommeil.''

Marie-Annik poussa un cri qui était supposé vouloir dire "non!" lorsqu'on mentionna sa chambre et se redressa... Erreur fatale, elle se tordit ensuite de douleur et se pencha à nouveau, à genoux, comme si elle allait vomir une troisième fois. Heureusement, rien ne se produisit! Elle s'entoura à nouveau de ses jambes, gardant un montant phénoménal de papier toilette à son nez. Soupirant, voyant qu'elle n'avait aucun choix, elle rendit un de ses poignets, comme si elle était prête à se faire passer menottes.

"C'est beau, j'abandonne! Vous gagnez... J'peux pas me rendre à ta chambre, par contre..."

Ce qu'elle disait était tout à fait vrai; elle parlait et peinait à respirer par la suite! Ne semblant pas trop heureuse de se faire emmener en quelque part, elle boudait. Par contre, les deux jeunes hommes pouvaient très bien voir que, derrière cette moue, elle était infiniment reconnaissante pour leur aide!

Edward préféra garder les vraies pensées de Marie-Annik pour ses pensées, faisant comme si il n'avait rien remarqué. S'il s'était souvenu, à cet instant, que ça ne changeait absolument rien, il aurait sûrement réagi autrement! Marcello, lui, se contenta de s'approcher de la jeune fille pour l'aider à se relever, mais l'autre s'en chargea à sa place.

''Fais plutôt le guet dehors, voir si les autres connes sont parties'' lui dit-il tout en prenant la jeune fille sans ses bras pour la soulever doucement. ''Pas besoin de te soucier du transport, j'm'en occupe!''

L'artiste alla s'assurer que la voie était libre dans le couloir, puis fit signe aux deux autres de se dépêcher. Il semblait déjà avoir regagné un peu de confiance en lui et en la situation, qu'Edward avait pris en main avec tout ce qu'il croyait bon à faire.

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